Blogue du KéryCube

Le Kérygme selon le pape François : « L’action mystérieuse du Ressuscité et son Esprit »

Même si le mot « kérygme » n’est pas utilisé, la réalité kérygmatique est particulièrement présente dans les passages où le pape François nous parle du rôle incontournable de l’Esprit Saint. Il nous invite à sortir de notre tiédeur, de nos peurs et de notre confort :

Certaines personnes ne se donnent pas à la mission, car elles croient que rien ne peut changer et pour elles il est alors inutile de fournir des efforts. Elles pensent ceci : “Pourquoi devrais-je me priver de mon confort et de mes plaisirs si je ne vois aucun résultat important ?” Avec cette mentalité il devient impossible d’être missionnaires. Cette attitude est précisément une mauvaise excuse pour rester enfermés dans le confort, la paresse, la tristesse de l’insatisfaction, le vide égoïste. Il s’agit d’une attitude autodestructrice, car « l’homme ne peut pas vivre sans espérance : sa vie serait vouée à l’insignifiance et deviendrait insupportable ». Si nous pensons que les choses ne vont pas changer, souvenons-nous que Jésus Christ a vaincu le péché et la mort et qu’il est plein de puissance. Jésus Christ vit vraiment. Autrement, « si le Christ n’est pas ressuscité, vide alors est notre message » (1 Co 15, 14). L’Évangile nous raconte que les premiers disciples allèrent prêcher, « le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole » (Mc 16, 20). Cela s’accomplit aussi de nos jours. Il nous invite à le connaître, à vivre avec lui. Le Christ ressuscité et glorieux est la source profonde de notre espérance, et son aide ne nous manquera pas dans l’accomplissement de la mission qu’il nous confie. (EG § 275)

Invoquons l’Esprit Saint pour qu’il nous renouvelle dans ce dynamisme missionnaire qui nous permet d’annoncer avec assurance et conviction ! Lisons le témoignage personnel du pape François :

Pour maintenir vive l’ardeur missionnaire, il faut une confiance ferme en l’Esprit Saint, car c’est lui qui « vient au secours de notre faiblesse » (Rm 8, 26). Mais cette confiance généreuse doit s’alimenter et c’est pourquoi nous devons sans cesse l’invoquer. Il peut guérir tout ce qui nous affaiblit dans notre engagement missionnaire. Il est vrai que cette confiance en l’invisible peut nous donner le vertige : c’est comme se plonger dans une mer où nous ne savons pas ce que nous allons rencontrer. Moi-même j’en ai fait l’expérience plusieurs fois. Toutefois, il n’y a pas de plus grande liberté que de se laisser guider par l’Esprit, en renonçant à vouloir calculer et contrôler tout, et de permettre à l’Esprit de nous éclairer, de nous guider, de nous orienter, et de nous conduire là où il veut. Il sait bien ce dont nous avons besoin à chaque époque et à chaque instant. On appelle cela être mystérieusement féconds ! (EG § 280)


Père Mario St-Pierre

Le Kérygme selon le pape François : « De personne à personne »

Je suis profondément impressionné par ce passage où le pape François nous décrit de manière très simple et accessible une pédagogie d’évangélisation qui se veut relationnelle et personnelle. D’abord, il rappelle la conviction que la mission d’évangélisation s’enracine au cœur même de la vie quotidienne. On appelle cela « l’évangélisation de proximité » ou l’évangélisation dans « les relations déjà existantes » :
Maintenant que l’Église veut vivre un profond renouveau missionnaire, il y a une forme de prédication qui nous revient à tous comme tâche quotidienne. Il s’agit de porter l’Évangile aux personnes avec lesquelles chacun a à faire, tant les plus proches que celles qui sont inconnues. C’est la prédication informelle que l’on peut réaliser dans une conversation, et c’est aussi celle que fait un missionnaire quand il visite une maison. Être disciple c’est avoir la disposition permanente de porter l’amour de Jésus aux autres, et cela se fait spontanément en tout lieu : dans la rue, sur la place, au travail, en chemin. (EG § 127)
Par la suite, il donne un exemple concret d’évangélisation relationnelle. Nous avons schématisé le texte par des tirets pour bien indiquer les étapes de cette pédagogie du dialogue et de la rencontre :

1. Écoute :
Dans cette prédication, toujours respectueuse et aimable, le premier moment consiste en un dialogue personnel, où l’autre personne s’exprime et partage ses joies, ses espérances, ses préoccupations pour les personnes qui lui sont chères, et beaucoup de choses qu’elle porte dans son coeur. (EG § 128)
2. Annonce :
C’est seulement après cette conversation, qu’il est possible de présenter la Parole, que ce soit par la lecture de quelque passage de l’Écriture ou de manière narrative, mais toujours en rappelant l’annonce fondamentale : l’amour personnel de Dieu qui s’est fait homme, s’est livré pour nous, et qui, vivant, offre son salut et son amitié. C’est l’annonce qui se partage dans une attitude humble, de témoignage, de celui qui toujours sait apprendre, avec la conscience que le message est si riche et si profond qu’il nous dépasse toujours.  (EG § 128)
3. Témoignage :
Parfois il s’exprime de manière plus directe, d’autres fois à travers un témoignage personnel, un récit, un geste, ou la forme que l’Esprit Saint lui-même peut susciter en une circonstance concrète.  (EG § 128)
4. Prière :
Si cela semble prudent et si les conditions sont réunies, il est bon que cette rencontre fraternelle et missionnaire se conclue par une brève prière qui rejoigne les préoccupations que la personne a manifestées. Ainsi, elle percevra mieux qu’elle a été écoutée et comprise, que sa situation a été remise entre les mains de Dieu, et elle reconnaîtra que la Parole de Dieu parle réellement à sa propre existence.  (EG § 128)

Voilà une pédagogie du dialogue où le kérygme ne peut que produire du fruit !


Père Mario St-Pierre

Le Kérygme selon le pape François : kérygme et charité

Nous pourrions ici parler du « kérygme caritatif » puisque la pensée du pape François ne consiste pas seulement à valoriser les deux réalités du kérygme et de la charité de manière séparée, mais surtout dans leur relation intime, profonde et essentielle. Pour utiliser des termes savants, kérygme et charité sont « intrinsèquement liés ». Dit simplement, le kérygme sans la charité est un contre-témoignage et la charité sans kérygme est stérile ! Dans la grand chapitre 4 intitulé « La dimension sociale de l’évangélisation », le pape François nous invite dès le départ à découvrir « la signification authentique et intégrale de la mission évangélisatrice » (EG § 176) dans sa dimension sociale et caritative :
Le kérygme possède un contenu inévitablement social : au coeur même de l’Évangile, il y a la vie communautaire et l’engagement avec les autres. Le contenu de la première annonce a une répercussion morale immédiate dont le centre est la charité.  (EG § 177)
Immédiatement après ce court paragraphe, le pape François exprime une confession de foi qui montre ce lien avec l’engagement social. Nous avons particulièrement souligné le caractère trinitaire de cette confession :
Confesser un Père qui aime infiniment chaque être humain implique de découvrir qu’« il lui accorde par cet amour une dignité infinie ». Confesser que le Fils de Dieu a assumé notre chair signifie que chaque personne humaine a été élevée jusqu’au coeur même de Dieu. Confesser que Jésus a donné son sang pour nous nous empêche de maintenir le moindre doute sur l’amour sans limite qui ennoblit tout être humain. Sa rédemption a une signification sociale parce que « dans le Christ, Dieu ne rachète pas seulement l’individu mais aussi les relations sociales entre les hommes ». Confesser que l’Esprit Saint agit en tous implique de reconnaître qu’il cherche à pénétrer dans chaque situation humaine et dans tous les liens sociaux : « L’Esprit Saint possède une imagination infinie, précisément de l’Esprit divin, qui sait dénouer les noeuds même les plus complexes et les plus inextricables de l’histoire humaine ».  L’évangélisation cherche à coopérer aussi à cette action libératrice de l’Esprit. Le mystère même de la Trinité nous rappelle que nous avons été créés à l’image de la communion divine, pour laquelle nous ne pouvons nous réaliser ni nous sauver tout seuls. À partir du coeur de l’Évangile, nous reconnaissons la connexion intime entre évangélisation et promotion humaine, qui doit nécessairement s’exprimer et se développer dans toute l’action évangélisatrice. L’acceptation de la première annonce, qui invite à se laisser aimer de Dieu et à l’aimer avec l’amour que lui-même nous communique, provoque dans la vie de la personne et dans ses actions une réaction première et fondamentale : désirer, chercher et avoir à coeur le bien des autres. (EG § 178)
Tout le reste du chapitre approfondira et maintiendra ce lien essentiel entre charité et kérygme.


Père Mario St-Pierre

Le Kérygme selon le pape François : le kérygme et la catéchèse

Dans son exhortation apostolique, le pape François nous montre le lien essentiel et incontournable entre kérygme et catéchèse en nous révélant jusqu’à quel point le contenu du kérygme doit informer toute la catéchèse ou dit plus simplement comment le kérygme parcourt et traverse toutes les dimensions de l’enseignement catéchétique. Il faut lire tout le paragraphe § 165 pour comprendre cette conviction pastorale du pape François :
On ne doit pas penser que dans la catéchèse le kérygme soit abandonné en faveur d’une formation qui prétendrait être plus “solide”. Il n’y a rien de plus solide, de plus profond, de plus sûr, de plus consistant et de plus sage que cette annonce. Toute la formation chrétienne est avant tout l’approfondissement du kérygme qui se fait chair toujours plus et toujours mieux, qui n’omet jamais d’éclairer l’engagement catéchétique, et qui permet de comprendre convenablement la signification de n’importe quel thème que l’on développe dans la catéchèse. C’est l’annonce qui correspond à la soif d’infini présente dans chaque coeur humain. La centralité du kérygme demande certaines caractéristiques de l’annonce qui aujourd’hui sont nécessaires en tout lieu : qu’elle exprime l’amour salvifique de Dieu préalable à l’obligation morale et religieuse, qu’elle n’impose pas la vérité et qu’elle fasse appel à la liberté, qu’elle possède certaines notes de joie, d’encouragement, de vitalité, et une harmonieuse synthèse qui ne réduise pas la prédication à quelques doctrines parfois plus philosophiques qu’évangéliques. Cela exige de l’évangélisateur des dispositions qui aident à mieux accueillir l’annonce : proximité, ouverture au dialogue, patience, accueil cordial qui ne condamne pas. (EG § 165)
Ce paragraphe est très éclairant d’ailleurs pour aider l’évangélisateur à développer des attitudes missionnaires qui permettront une profonde et réelle fécondité.


Père Mario St-Pierre

Le Kérygme selon le pape François : le kérygme est trinitaire !

La prochaine série d’articles de ce Kéry-Blogue consiste à présenter la pensée du pape François sur le kérygme. Nous retrouvons dans son exhortation apostolique « La joie de l’Évangile » (Evangelii Gaudium) des passages magnifiques et stimulants pour nous aider à découvrir cette réalité biblique incontournable pour la fécondité de notre évangélisation. Nous allons nous concentrer sur les passages où le mot « kérygme » est explicitement utilisé, sachant que l’ensemble de cette lettre est profondément dynamique et kérygmatique dans son style, son contenu et son mode d’expression.

La première apparition du mot « kérygme » se trouve dans le titre d’une section du chapitre 3 : « IV. Une évangélisation pour l’approfondissement du kérygme » (EG § 160). Les premiers paragraphes de cette section invitent à considérer le mandat missionnaire comme un appel à la croissance dans la foi et dans l’amour (cf. EG § 160-162). C’est donc dans ce contexte de croissance qu’apparaît cette première réflexion sur le sens du kérygme :

Nous avons redécouvert que, dans la catéchèse aussi, la première annonce ou “kérygme” a un rôle fondamental, qui doit être au centre de l’activité évangélisatrice et de tout objectif de renouveau ecclésial. Le kérygme est trinitaire. C’est le feu de l’Esprit qui se donne sous forme de langues et nous fait croire en Jésus Christ, qui par sa mort et sa résurrection nous révèle et nous communique l’infinie miséricorde du Père. Sur la bouche du catéchiste revient toujours la première annonce : “Jésus Christ t’aime, il a donné sa vie pour te sauver, et maintenant il est vivant à tes côtés chaque jour pour t’éclairer, pour te fortifier, pour te libérer”. Quand nous disons que cette annonce est “la première”, cela ne veut pas dire qu’elle se trouve au début et qu’après elle est oubliée ou remplacée par d’autres contenus qui la dépassent. Elle est première au sens qualitatif, parce qu’elle est l’annonce principale, celle que l’on doit toujours écouter de nouveau de différentes façons et que l’on doit toujours annoncer de nouveau durant la catéchèse sous une forme ou une autre, à toutes ses étapes et ses moments. (EG § 164)

P. Mario St-Pierre

Le plus ancien kérygme sur la mort et la résurrection de Jésus

Comme saint Paul nous le rappelle dans sa première lettre aux Corinthiens : « si le Christ n'est pas ressuscité, alors notre prédication et notre foi est vaine ». La résurrection de Jésus est réellement le fondement de notre foi.  Dans cette même lettre, il nous transmet aussi ce que plusieurs exégètes croient être l’expression la  plus ancienne du kérygme chrétien, c'est-à-dire l'affirmation de la mort et de la résurrection de Jésus. Voici le kérygme, tel que saint Paul le décrit dans sa lettre :


La première lettre aux Corinthiens a été écrite par saint Paul aux alentours de l’an 54 ou 55, ce qui veut dire au maximum 25 ans après la mort de Jésus. Cependant, selon plusieurs exégètes, on peut vraisemblablement penser que ce Kérygme aurait été formulé très peu de temps après la mort et  la résurrection de Jésus. Voici quelques raisons qui les poussent vers cette conclusion.

Saint Paul nous indique qu’il est en train de transmettre un témoignage qu’il a lui-même reçu. Les mots qu’il utilise pour dire qu’il enseigne (du grec parelabon) ce qu’il a appris (du grec paredoka) revêtent une importance particulière. Rappelons-nous que Paul était pharisien avant sa conversion. Or la transmission fidèle des traditions comptait beaucoup pour ce courant du judaïsme.

Même sans cette précision, une analyse textuelle attentive de ce passage à lui seul aurait pu nous mettre sur la piste. En effet, ce passage contient un langage et un style qui ne sont habituellement pas utilisés par saint Paul. Par exemple, l’expression « conformément aux Écritures », qui n’est jamais utilisée par saint Paul dans ses autres lettres, nous révèle qu’il emploie ici un langage qui n’est pas le sien et qu’il est en train de rapporter des paroles qu’il a lui-même entendues.

Cela nous pousse donc naturellement à dater ce kérygme antérieurement à la date où il a écrit sa lettre. Mais, on peut alors aussi se demander quand et d’où lui est venu ce kérygme ?

Pour ce qui est du lieu, il y a trois grandes hypothèses : Damas, Antioche ou Jérusalem. Ce sont tous des lieux où saint Paul a séjourné,  où il a rencontré des chrétiens après sa conversion et où il aurait pu recevoir ce kérygme.

Pour la datation de ce kérygme, bien qu’il n’y ait pas de consensus, plusieurs exégètes s’entendent pour une datation qui est de quelques années seulement après la mort et la résurrection de Jésus. Le kérygme que nous avons reçu et qui est le fondement de notre foi chrétienne est donc un fondement solide. Nous n’avons définitivement pas là un intervalle de temps suffisant pour permettre l’élaboration de légendes au sujet de la résurrection de Jésus. Nous pouvons donc croire, comme saint Paul, que Jésus est vraiment ressuscité.

Voici quelques remarques d’experts au sujet de la datation de ce kérygme :

  • Paul Barnett (1994) : Dans les deux ou trois premières années après la première Pâques
  • Barclay (1996) : Pourrait être daté aussi loin que les années 30
  • Alexander J. M. Weddernburn (1999) : Première moitié des années 30
  • Helmut Koester (2000) : Date d’au maximum de cinq ans après la mort de Jésus
  • Le « Jesus Seminar » (1998) : Date d’au plus deux ou trois ans après la mort de Jésus
  • James D. G. Dunn (2003) : Cette tradition a été formulée dans les mois suivant la mort de Jésus
  • Gerd Lüdemann (2004) : Date d’un ou deux ans après la crucifixion 


Miguel Morin

Le KéryCube : les résistances au kérygme (suite et fin)

Heureusement qu’il y a une fin à cette série de résistances sur le kérygme ! Ayons maintenant le courage d’aborder les deux derniers.

4e résistance : Penser que le catéchisme suffit

Une personne qui n’a pas vécu l’expérience de la conversion ne comprendra pas grand chose aux explications catéchétiques. C’est un constat un peu dur et tranchant. Mais c’est la réalité. Pour entrer dans une telle démarche, l’expérience première et fondamentale de l’évangélisation est incontournable. Il faut alors ou bien développer une pastorale clairement évangélisatrice ou bien une catéchèse kérygmatique. Mais une meilleure solution serait de développer les deux en même temps ce qui implique une vision pastorale engagée dans la nouvelle évangélisation et intégralement kérygmatique.

5e résistance : penser que la charité est plus importante que le kérygme, la première annonce

L’inverse est tout aussi faux. Il ne s’agit pas ici de présenter de manière opposée le rapport entre ces deux réalités pour justifier l’importance de l’une par rapport à l’autre, mais de comprendre que les deux réalités sont essentiellement vitales. On ne peut annoncer le kérygme sans charité et un acte caritatif est vrai et authentique dans la mesure où il prend sa source dans l’événement rédempteur (cœur du kérygme) avec une intention profonde de transformer les vies. De fait, il s’agit bien de transmettre la grâce de Dieu qui agit pour guérir, libérer, réconcilier, sauver… L’annonce kérygmatique est profondément caritative, le plus grand qui soit, et l’acte de charité est essentiellement don de soi à l’exemple du Christ Jésus qui meurt et ressuscite par amour pour chacun de nous : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie… », « Il m’a aimé, il s’est livré pour moi ».


P. Mario St-Pierre

Le KéryCube : les résistances au kérygme (suite)

Nous poursuivons notre réflexion sur les résistances au renouveau kérygmatique de l’Église. Nous avons déjà identifié la première dans notre précédent article. Nous présentons ici les deux suivantes :

2e résistance : Ne pas être conscient de la puissance intrinsèque de la Parole de Dieu

Parler du « kérygme », c’est soupçonner une puissance d’impact et de transformation dans la vie des gens. Le kérygme est puissamment agissant. Pour reprendre des termes qui définissent ce qu’est un « sacrement », le kérygme « accomplit ce qu’il signifie ». Le kérygme qui est proclamation du salut agit en conséquence. Il n’est pas rare de constater les fruits de cette proclamation : conversion, libération, guérison, etc. Il faut tout simplement relire les Actes des Apôtres et croire que cette même parole kérygmatique peut avoir le même effet aujourd’hui. Dans notre monde où l’idôle de la « liberté » règne en maître, cette valeur performative de la Parole de Dieu (Benoît XVI, Spe Salvi § 2, 4, et 10) peut faire peur à plusieurs trop respectueux de la dite liberté. Pour reprendre l’explication de Paul, ces personnes gardent les apparences du religieux, mais évacuent et renient « ce qui en fait la force » (2 Timothée 3, 5), la puissance de la Parole de Dieu.

3e résistance : Penser que le kérygme est protestant

Mais, le kérygme est l’essence même de la vie catholique authentique, il est le moteur de la Traditio ecclesiae (cf. 1 Corinthiens 15, 1s). En passant, peu de catholiques savent que la question de la « justification » (le salut obtenu par grâce au moyen de la foi selon Paul et Luther) est résolue du point de vue œcuménique (cf. Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification de la Fédération Luthérienne Mondiale et de l’Église catholique, 1998). Les catholiques se sentent heurtés par rapport aux évangéliques en ce qui concerne la valeur du kérygme dans l’expérience du salut vécue au cœur de l’évangélisation. Le différend étant résolu, on peut parler d’un « catholicisme évangélique » d’une manière sereine et développer une culture « missionnaire » dans toutes les dimensions de la vie ecclésiale. Ainsi donc, le kérygme est parfaitement catholique.


P. Mario St-Pierre

Le KéryCube : les résistances au kérygme (1)

Il y a quelques années, j’ai eu la joie de lire un vieux bouquin d’avant concile (je parle du concile Vatican II) qui, à mon point de vue, demeure très actuel. L’auteur, le père Paul Hitz, parlait du « kérygme du renouveau ». Il indiquait du point de vue théologique et biblique comment le renouveau de l’Église a comme base fondamentale le kérygme : « l’Évangile de la Pâque du Christ ». Il n’a pas hésité à présenter la dimension prophétique du renouveau kérygmatique (cf. L’annonce missionnaire de l’Évangile, Cerf, 1954, p. 260-262). Cela correspond bien à l’interpellation du pape François dans son Exhortation apostolique intitulée « La joie de l’Évangile » : « Quand nous disons que cette annonce est “la première”, cela ne veut pas dire qu’elle se trouve au début et qu’après elle est oubliée ou remplacée par d’autres contenus qui la dépassent. Elle est première au sens qualitatif, parce qu’elle est l’annonce principale, celle que l’on doit toujours écouter de nouveau de différentes façons et que l’on doit toujours annoncer de nouveau durant la catéchèse sous une forme ou une autre, à toutes ses étapes et ses moments. » (EG § 164)

Mais ce renouveau tarde toujours à venir. Pourquoi ?

Nous pouvons identifier cinq résistances au renouveau kérygmatique de l’Église. Si nous voulons vraiment développer une pastorale et une catéchèse kérygmatiques, et si nous voulons que le kérycube soit vraiment un instrument pédagogique au service de ce renouveau ecclésial, nous devons tenir compte de ces difficultés. Nous présentons ici la 1ère résistance. Dans les deux prochains articles, nous aborderons les 4 autres.

1ère résistance : Penser que l’étape du kérygme est passée ou déjà vécue.

De bonnes personnes, voire des chrétiens pieux ou intellectuels, pensent qu’elles n’ont pas besoin du kérygme, parce qu’elles considèrent avoir atteint la maturité ou parce qu’elles voient le kérygme comme un scandale ou une folie (1 Co 1-2). Le kérygme perd sa place centrale, fondamentale et permanente au cœur de la conscience ecclésiale et de la vie pastorale. La solution à ce problème : accepter d’être à nouveau évangélisé de manière kérygmatique. Paul l’a fait lorsqu’il a interpellé les Corinthiens à renouveler le dynamisque du kérygme pour renouveler la communauté aux prises avec de nombreuses difficultés. Au cœur de sa première lettre, il peut s’écrier : « Malheur à moi, si je n’évangélise pas ! » (1 Corinthiens 9, 16)


P. Mario St-Pierre